Edition 1951
I
- « J’affirme qu’il y a pour l’homme –pour tous les hommes-, un moyen rationnel d’échapper aux limitations de ce monde, de toucher à l’Absolu, d’effectuer sa « rétroversion » et d’accéder à la liberté, à la joie et aux pouvoirs qu’on dit surnaturels, y compris à celui de guérir les malades (par imposition des mains ou autrement).
- « J’affirme que quiconque écoutera sans préjugé de confession ou d’école, trouvera dans l’enseignement « Unitiste » maintes occasions de découvrir la Vérité –de la découvrir en lui-même, de la découvrir par lui-même- et de l’utiliser au mieux des intérêts supérieurs de l’homme et de ses intérêts propres, même matériels ».
- « J’affirme que n’importe qui, croyant ou incroyant, déiste, indifférent ou négateur, peut obtenir en moins de six mois des résultats tangibles et concluants…
La porte est ouverte à tous. Et nul ne court le moindre risque de compromettre sa raison, d’offenser son Dieu s’il en a un ou de perdre son âme s’il en a une…
« Il suffit d’être de bonne foi et de bonne volonté, de s’efforcer sans impatience et de ne pas nier à priori, ce qui ne veut pas dire qu’il faille tout accepter sans contrôle, au contraire.
« La règle primordiale est celle-ci : ne rien admettre avant d’avoir expérimenté ou compris… se vouloir libre en somme. N’accepter aucune servitude injustifiée. Confesser l’esprit et ne travailler que pour l’intelligence et la compréhension, c'est-à-dire, pour la Vérité, la Lumière, l’Harmonie et la Joie…
« Telles sont les conditions essentielles de réussite dans la voie de « l’accrochage », du « branchement », et de la « deuxième naissance », du « salut », de « l’initiation », de la « réintégration », de la « connaissance directe », ou, si l’on préfère, de « l’éveil »…
« J’affirme que cette voie est celle de la joie, de la paix, de la sérénité, de la béatitude, et aussi –je le répète pour le confirmer en raison même des doutes que cette affirmation suscite- des pouvoirs supra normaux.
« J’affirme également que cette voie est, surtout et avant tout, celle du devoir.
« Et j’affirme encore, pour conclure, que quiconque refuse de s’y engager après avoir entendu un certain appel –un certain appel dont nous aurons l’occasion de reparler- manque à la totalité des êtres vivants du visible et de l’invisible, s’exclut de la communauté universelle, se retranche du destin des hommes et, pour tout dire d’un coup, se poignarde lui-même en plein cœur.
Un jour -ceci se passait en un lointain pays, sur les bords d’un grand fleuve- un civilisé entra en « palabre » avec les notabilités du cru. Il fut d’abord question, de bananes et de cocotiers, et l’on s’entendit à merveille. Puis le civilisé en vint à tenir aux notables des propos de ce genre :
-- Savez-vous que ce fleuve est empli de forces et de possibilités que vous ne soupçonnez pas. De forces capables d’actionner des espèces de moulins qu’on appelle turbines, lesquelles turbines produisent une autre force qu’on appelle électricité, laquelle électricité, si vous construisiez ces moulins, pourrait vous donner une éclatante lumière dans de petites ampoules transparentes grosses comme des œufs et, mieux encore, transmettre à l’autre bout du monde vos paroles ou vos images ?
Les notables, jusqu’alors, s’étaient montrés des plus amènes et des plus courtois. Ils appartenaient à une race pacifique. Mais ils ne pouvaient rien concevoir qui ne se palpe ou soupèse. De plus, ils possédaient un sens aigu de leur dignité.
-- Cet étranger se moque de nous, finirent-ils par penser. Il nous prend pour des sauvages. Et, notre honneur exige vengeance. Sus ! Sus !
La minute d’après, l’imprudent se vit culbuté en une énorme marmite l’huile bien bouillante. Puis, il ne vit plus rien, à moins que ce ne soit par les lucarnes dont disposeraient les morts pour contempler le monde qu’ils ont quitté…
Cuite à point, sa tendre défroque de chair fut déglutie. Et comme le grand juge du pays de trouvait présent parmi les notables, il articula un bref arrêt, qui servit d’épitaphe : « ce menteur avait offensé nos dieux, qui sont dieux de vérité, en formulant des affirmations indiscutablement trop belles pour être vraies… ».
Qu’on le veuille ou non, les « pouvoirs » existent. Ils ont été valablement constatés maintes et maintes fois, de nombreux ouvrages en témoignent. Et s’il n’est pas donné à chacun de rencontrer des hommes qui les détiennent, c’est que ces hommes vivent à l’écart de la foule, ne se targuent ou flattent jamais de rien et mettent à se cacher l’obstination que d’autres mettent à s’exhiber… ils sont gens de foi et de médiation. Ils relèvent de la sainteté ou du mysticisme, non du cirque…
Je le répète : les pouvoirs existent. Ils sont une étrange mais incontestable réalité.
Et une réalité « expérimentale »…
a) A.EINSTEIN DONNE SON OPINION
Les gens qui refusent par principe d’en admettre l’existence, ne sont-ils pas ceux qui, en d’autres temps et circonstances, eussent refusé de croire à l’électricité et à la radio ?... qu’on se souvienne des mésaventures de Galilée et l’Adolphe Thiers condamnant le chemin de fer, et des incrédules de notre apologue, qui firent cuire sans remords, pour venger leur honneur, un homme uniquement coupable d’avoir dit la vérité… Albert Einstein fut amené, voici quelques mois*, à donner son opinion sur les négateurs de cette espèce. « Ce sont des gens, fit-il, qui n’ont pas davantage le sens du possible que du merveilleux, des êtres qui ne possèdent pas le sens du mystère… ». (*Edition 1951)
Cela se passait à Washington, en une fort savante académie, et l’illustre physicien ajouta, afin qu’il n’y eut aucune équivoque sur la nature et la portée de son opinion : « Ces gens sont des infirmes : je les plains ».
Les pouvoirs viennent d’eux-mêmes, un beau jour, à quiconque grandit suffisamment en compréhension, en charité, en foi ou en science. Et lorsqu’enfin, ils arrivent à un homme dont l’ascension est normale, cet homme est si parfaitement dépouillé de toute avidité, si parfaitement baigné de joie, qu’il ne les souhaite même plus.
Il se peut cependant que des adeptes disposent, à un moment donné, de facultés supérieures à leur niveau spirituel, et qu’il en résulte pour eux, de redoutables tentations.
Qu’ils ne l’oublient donc pas :
Quiconque mésuse des pouvoirs, se perd irrémédiablement. Les chutes d’initiés sont les pires. Quand ils pèchent, c’est contre l’esprit. Et les crimes qu’on commet contre l’esprit sont les seules que l’Esprit ne pardonne pas…
Il est parfois plus dangereux de jouer au mage, même si l’on ne grimpe pas très haut à l’échelle de Jacob, que de jongler avec des torches enflammées au-dessus d’un baril de poudre bien sèche…
On aborde, avec les facultés supra normales et les pouvoirs, des mondes où le passe-droit n’existe pas, des mondes entièrement sous la dépendance des lois de l’honnêteté, du désintéressement, du mérite et de l’effort, des mondes où des combinards, des malins et des truqueurs n’ont rien à faire, rien à attendre, rien à espérer.
Certains occultistes vous diront le contraire.
Mais il en est du peuple des occultistes comme de tous les peuples de la terre. Il compte plus de faux que de vrais savants, plus de fous que de sages et bien moins d’apôtres que de charlatans.
CE QU’IL FAUT POUR RÉUSSIR.
(S’il advient que certains lecteurs se trouvent désorientés par quelques unes des lignes suivantes, qu’ils veuillent bien ne pas se décourager. Ce que ces lignes comportent d’un peu « tendu » deviendra rapidement souple et facile à souhait. Nous n’en sommes qu’à poser l’ossature et jamais un squelette ne fut spécialement engageant… qu’on se donne patience : bientôt vont apparaître les muscles et les chairs, puis les poils, la crinière et les sabots. L’animal vivra. Et nous n’aurons plus qu’à lui laisser tirer notre charrette…)
*
* *
Ce qu’il faut, pour réussir, donc, c'est naître une deuxième fois, c'est-à-dire, naître « d’Esprit » et à « l’Esprit », ou comme le disait Saint Paul, « s’éveiller… », trouver la porte étroite –le centre de la conscience- par où l’on accède à l’Absolu en passant par les mille et une dimensions de l’Univers.
Plus simplement : « être »
Car celui en qui la perception spirituelle n’est pas éclose croit « qu’il est » mais « il n’est pas ».
ETRE ET CE QU’IL FAUT POUR ÊTRE…
1. Il faut comprendre, « réaliser » ce qu’est la position de l’homme au sein de l’Univers…
a) … par rapport au manifesté (ou à la quantité, au Grand Adam,
au Prince de ce Monde, à Lucifer, au Diable, etc.)
b)… par rapport à l’Absolu (ou à la Qualité, à l’Essence, au Principe, à Dieu, etc...)
c) … le tout, compte tenu d’un état hypnotique par quoi notre vision de l’Univers se trouve sophistiquée aussi bien sur les plans de la lumière que sur les plans de l’intellect…
2. Il faut prendre de soi-même une conscience globale, synthétique, une conscience qui ne soit plus fonction de l’extérieur et du relatif, mais de l’intérieur et de l’Absolu… en d’autres termes : une conscience qui ne résulte plus des chocs périphériques « dissociants » mais qui se fonde sur la perception « unifiante » de l’essence, de l’âme.
3. Il faut parvenir en conséquence…
a)… à s’éveiller, c'est-à-dire :
b)… à se soustraire à l’action de l’hypnose et des chocs, des « envoûtements » périphériques…
c) …et à prendre en mains ses propres leviers de commande.
ASCÈSES, MÉTHODES, PROCÉDÉS ET MOYENS D’ABOUTIR…
Il y a les religions d’abord…
Toutes proposent, dans le cadre de leurs dogmes, des méthodes de dépassement de soi et d’union au Principe. Ceux qui en médisent sont souvent à blâmer et toujours à plaindre.
Ensuite, il y a les yogas, actuellement fort à la mode, et dont nous verrons à loisir ce qu’il convient de penser…
Puis, il y a l’hermétisme et la magie. Les occasions d’en parler ne nous manqueront pas…
Il y a enfin, les philosophies spéciales, l’ésotérisme blanc, l’ésotérisme noir, la kabbale, le spiritisme, le steinerisme[1], le quiétisme[2] de Molinos[3], de Fénelon[4] et de Mme de la Motte-Guyon[5] et le Johanisme[6], et le swedenborgisme[7], et cent autres méthodes, systèmes, procédés, ascèses et moyens allant des triturations mentales aux triturations glandulaires ! En résumé : quelques dix ou vingt mille ouvrages plus ou moins confus à consulter, dépouiller, étudier, et si faire se peut, assimiler !... Ecrasant, n’est-ce pas ? Décourageant ? Sans doute. Mais il y a « un truc… »
De quoi s’agit-il, en résumé ?
De la grande réussite, de la plus grande réussite humaine qui se puisse concevoir, de celle que les indouistes appellent « Réintégration », les chrétiens « Union à Dieu », certains philosophes « Retour au Principe », et qu’il m’arrive d’appeler sans pour cela me retirer de l’obédience christique, au contraire : « Conquête de l’Absolu ».
Or, quels moyens de triompher nous proposent les différentes écoles ésotériques, magiques, philosophiques, religieuses ou mystiques, dont les doctrines s’opposent, s’apparentent, s’excluent ou se complètent ? Des moyens bien souvent grotesques ou incertains, parfois dangereux, presque toujours longs et pénibles, trop uniquement fondés sur l’effort, le renoncement, la mortification et la souffrance…
Je ne veux en aucun cas médire, sinon des douteux et redoutables moyens de la magie, du moins des ascèses fondées sur les efforts, le sacrifice et la foi que par exemple, enseignent les églises orthodoxes et romaines. Il convient indiscutablement de professer, aussi bien pour ceux qui cheminent dans la voie des saintes œuvres que pour ceux qui en prônent pieusement la discipline, le plus sincère et le plus profond respect. Admirons leur foi si souvent héroïque. Et inclinons-nous très bas devant leurs réussites qui sont nombreuses, beaucoup plus nombreuses et éclatantes qu’on ne croit.
… OU PAR ET DANS LA JOIE ?
Mais ce qu’ils obtiennent et réussissent par et dans la douleur, on peut affirmer qu’il est possible de l’obtenir -et infiniment plus vite, plus facilement et sûrement- par et dans la Joie.
Ici, ne nous égarons pas : c’est de la Joie qu’il est question, de la Joie avec un grand J, et non du plaisir qui en est exactement le contraire… Ce point est important. Il marque un grand carrefour. Nous aurons à en reparler en détail. Mais nous devons, pour l’instant, demeurer dans la ligne essentielle de notre propos… revenons donc à notre certitude d’une réussite plus rapide, plus facile et plus sûre en une ascèse conditionnée par un certain état d’allégresse qu’en une ascèse fondée sur la mortification et la contrainte…
On me dira : - Fort bien, mais où est la nouveauté dans votre affirmation ? Cette joie dont vous parlez, les catholiques romains ou orthodoxes la connaissent parfaitement. Ils n’en font point fi. Bien loin de là : ils la recherchent. Et les protestants eux-mêmes ne rougissent pas de la demander à l’Eternel…
Soit… Reste que ni les uns, ni les autres, ne mettent l’accent sur la Joie. Ils le mettent, tout à l’opposé, sur la contrainte de soi, sur le durcissement, le devoir, la nécessité d’obéir coûte que coûte à la loi, dût-on s’en dessécher, sur la nécessité de mâter les âmes capricieuses, les chairs rebelles, les instincts pervertis…
La joie, pour eux, est une fin, un aboutissement. Ils ne la conçoivent que comme une récompense. Pour nous, unitistes, elle est aussi un aboutissement, une récompense et une fin, mais elle est aussi, mais elle peut être et doit être, un commencement, un moyen, un levier, une ascèse et bien d’autres choses, y compris une nacelle merveilleusement à même de conduire au ciel quiconque parvient à y prendre place…
« Trouvez le Royaume de Dieu », disait le Christ. Or, que serait le Royaume de Dieu s’il n’était avant tout, le Royaume de la Joie ?... C’est donc bien la Joie, selon le Nazaréen lui-même, qu’il faut trouver –d’abord- pour que le reste puisse venir par surcroît…
Le voilà, le « truc », le grand « truc » : trouver la Joie, la « Joie » portante, celle qui est à la fois connaissance et lumière, pouvoir et sanctification, dépassement, extase… celle qui est comme un relais du ciel sur la terre, qui attire positivement –vous en ferez l’expérience- les forces vives des hauts plans, qui les oblige à descendre en nous, puis à s’y fixer…
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Mais comment trouver cette Joie ? … en accédant à un certain palier, tous les mystiques nous l’enseignent, en franchissant une certaine porte… Or, il n'y a pas une porte déterminée à un endroit déterminé…
Il y a des milliards de portes. Chacun a la sienne qui donne sur le Royaume et sur la Joie. C’est celle-là qu’il faut trouver. Et c’est généralement de la façon la plus inattendue qu’on la découvre, la plus fortuite, et, quelquefois, la plus baroque ou la plus cocasse. L’humour n’abandonne jamais ses droits, même sur les chemins du ciel…
Pour les uns, la découverte s’effectue à la faveur d’une idée recueillie huit jours plus tôt, ou dix ans, à la faveur d’une idée qui, revenant à l’esprit en un moment de découragement ou d’épreuve, produit brusquement une grande illumination. Pour les autres, il se peut que ce soit en raison du heurt de deux pensées, même pas, de deux mots. Une étincelle jaillit. Et soudain, dans cette brusque lueur, on aperçoit l’issue…
NOUS SOMMES TOUS AU PARADIS…
Une petite histoire « vécue » montrera mieux que n’importe quel exposé comment il arrive que « l’évènement » se produise…
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C’était aux environs de Paris, à Royaumont, en une antique abbaye où se tiennent de fort savantes réunions. Il y avait là toutes sortes de gens plus ou moins préoccupés de métaphysique et de spiritualité : médecins, professeurs, avocats, moines, pasteurs et curés…
Je me trouvais au milieu d’un groupe, et un moine, au masque tourmenté, vint frotter sa capuche à nos vestons. Nous allions nous en aller. Nous prenions congé et, comme il arrive toujours à ce moment là, les phrases que nous échangions tenaient beaucoup plus du badinage que de la discussion philosophique. Et quelqu’un en vint à dire ainsi, sur le mode plaisant et à propos de je ne sais plus quoi : « nous sommes tous au paradis, le malheur c’est que nous ne le sachions pas… ».
Le moine, sur l’instant, fronça les sourcils. La formule, manifestement, l’avait frappé. Il nous serra les mains distraitement et nous nous éloignâmes de lui, marchant vers les communs où nous attendaient nos voitures… mais nous n’avions pas fait trente mètres qu’un bruit de course s’élevait derrière nous, ainsi qu’une voix vibrante : « Monsieur ! Hé, monsieur !... »
C’était le moine, qui hélait l’auteur de la boutade et qui, l’ayant rejoint, le prenait par les épaules, le serrait contre lui et lui disait, le visage inondé de larmes et les yeux pleins d’une joie déjà extatique : « laissez-moi vous remercier, mon frère. J’ai enfin compris, je le sens. Et c’est au travers de vous que Dieu m’aura donné ce que je lui demande depuis plus de trente ans ».
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Pour ce moine, la porte s’était ouverte sur ce badin sésame. Profonde, sans doute, très profonde la pensée contenue en ce sésame, mais badine quant au ton que lui avait donné son auteur… qu’importait au surplus ? Q’importait le flacon du moment qu’en était sorti l’élixir ?
QUATRE CHOSES COMPTENT D’ABORD…
Pourquoi la porte ne s’ouvrirait-elle pas pour les uns et les autres, un beau jour,-demain peut-être- comme elle s’est ouverte pour le moine, au hasard d’une idée, d’un mot ou d’une réplique ?
C’est pour cette raison qu’aucune application de l’intelligence aux multiples éléments du problème mystique ne saurait être regrettable, même dépourvue de méthode, à la condition qu’elle soit soutenue et passionnée. Ainsi donne-t-on à son esprit l’orientation nécessaire. Ainsi le tient-on en alerte, c'est-à-dire, toujours prêt à saisir le signe ou l’intersigne, toujours prêt à bondir sur la chance.
On se « travaille » soi-même, en quelque sorte, on se brasse, on se pétrit, on se laboure. On améliore le terrain et l’on creuse les sillons où le grain pourra germer lorsque passera le semeur.
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La meilleure des méthodes est de n’en point avoir, de demeurer ouvert et actif, laborieux, vigilant… Sait-on jamais où, quand et comment l’esprit se manifeste, s’insinue, murmure, tonne, s’offre ou s’impose ? Quatre choses comptent d’abord :
I. S’ORIENTER .
S’orienter convenablement, prendre le cap salutaire. Maintenir les yeux dans l’axe de la bonne étoile. C’est ce qu’on fait automatiquement dès qu’on répond à l’appel et qu’on s’engage en une recherche sincère de soi-même et de l’Absolu… nous sommes en cela guidés –à partir du moment où l’appel retentit en nous- par un instinct précieux, celui qui tourne le bourgeon vers le soleil… Nous pouvons nous égarer, bien sûr. Nous pouvons faire d’amples détours. Mais la minute vient toujours où nous en sommes secrètement informés, et la ligne générale se redresse.
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N’oublions jamais ceci :
Nous pouvons faillir, nous pouvons tomber. Mais cela n’a aucune importance… le Christ lui-même n’est-il pas tombé trois fois en montant au Calvaire ?... l’essentiel est de se relever, de se relever tout de suite…
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Et encore ceci :
On peut commettre des erreurs, on peut se tromper lourdement… aucune importance, si la direction demeure la bonne. Tous les pas que nous faisons vers la vérité nous en rapprochent, même si nous mettons de temps en temps le pied dans la boue.
Etre patient… avez-vous remarqué comme les êtres patients sont près du Ciel ?... je ne parle pas des gens en qui la patience résulte d’un calcul, ce qui était par exemple le cas de Fouché, de ces gens qui ne sont patients que par tactique et à des fins matérielles, ayant observé, avec Machiavel « qu’un ambitieux patient est la plus grande force du monde ».
Je parle de ceux qui n’ignorent plus « qu’il est pour toutes choses un temps fixé par Dieu »(1), que rien n’arrive avant l’heure en dépit de nos criailleries et que le Grand Condé lui-même, malgré toute sa fougue, était bien obligé « d’attendre la saison des figues pour en manger… ». Je parle de ceux qui ont su se pacifier et de qui rayonne une paix bienfaisante…
(1)L'Ecclésiaste
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La patience est l’image même de l’Absolu.
L’impatience est celle du Prince.
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Qui dit impatience, dit désir ou besoin de vitesse. Et c’est de son besoin de vitesse que notre civilisation est en train de périr.
Ce besoin qui nous vient du Prince, s’intensifie au carré : l’accélération est la même que pour une pierre qui tombe. Et l’on ne peut déjà plus dire que notre époque soit celle de la vitesse, voire même celle de la frénésie. Nous en sommes au stade de la danse de Saint-Guy. Et c’est dans une poêle bien rouge, demain, que nous achèverons de danser cette danse…
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L’impatience est la forme moderne du démon.
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Un homme qui manque de patience est un moteur qui manque d’huile, et qui, pour comble, prétend tourner au-dessus de son régime. Toute la question est de savoir, combien de temps il tiendra avant de passer ses pistons au travers de sa culasse…
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De Saint François de Sales :
« Dans un régime des âmes, il faut une tasse de science, un baril de prudence et un océan de patience… »
III. S’EFFORCER
S’efforcer, obéir à la première de toutes les lois qui est celle du labeur… ne rien faire est d’ailleurs la plus pénible de toutes les besognes et l’oisif porte le plus lourd fardeau du monde : l’ennui... Les Dieux nous ont mis dans la nécessité de travailler. Est-ce une condamnation ? Allons donc !
C’est un cadeau...
Ce sont nos tâches qui nous tiennent debout. Et l'usure du travail, qui d'ailleurs se répare souvent d'elle-même, est toujours moins cruelle que les morsures de la rouille qui sont sans remède...
Notre destin dépend peut-être des puissances inconnues de la terre et du ciel. Mais dépend sûrement, en partie tout au moins, de nos efforts et de nos labeurs. Et nous négilgerions de jouer les seules cartes que nous ayons en main?
Pas toujours facile dites vous ?
Raison de plus pour « s’accrocher »…
Et si l’on ne peut pas ? Et si c’est impossible ?
Essayons toujours, nous verrons bien.
Tant de choses sont impossibles parce qu’on dit qu’elles le sont… IV. ESPÉRER
Espérer !... Héraclite a dit :
« C’est à force d’espérance qu’on trouve l’inespéré… »
[1] Steiner : Philosophe et pédagogue autrichien. Auteur d’un système « l’anthroposophie » … [2] Doctrine mystique faisant consister la perfection chrétienne dans l’amour de Dieu et la quiétude passive et confiante de l’âme, et qui fut défendue en France par Mme Guyon et par Fénelon. [3] Molinos : Théologien et mystique espagnol (1628-1696). Chef d’une école de spiritualité soupçonnée d’être à l’origine du quiétisme… [4] Fénelon : prélat et écrivain français. Son « Explication des maximes des saints » (1697) favorable à la doctrine quiétiste fut condamné par l’église. [5] Jeanne-Marie Bouvier de La Motte-Guyon du Chesnoy (1648-1717) Mystique française soutenue par Fénelon et fut la figure centrale de la querelle du quiétisme. [6] Relatif à l’Apôtre Jean, à son œuvre. [7] Swedenborg (1688-1772) théosophe suédois. A la suite de visions qu’il aurait eues et dont il aurait fait le récit dans « les Arcanes célestes » il développa une doctrine dite de la Nouvelle Jérusalem selon laquelle, tout a un sens spirituel que Dieu seul connaît.